Alors que le bien-être au travail, propice à la performance, devrait être un ingrédient évident dans chaque entreprise, il manque à l’appel dans nombre d’entre elles. À l’exemple récent de Michelin qui veut se débarrasser des managers toxiques, beaucoup d’entreprises doivent élaborer des plans et des politiques pour contrer la souffrance au travail. De telles stratégies suffisent-elles à rétablir le bien-être au travail, ou le remède doit-il s’administrer bien plus en profondeur ?
L’institut de veille sanitaire recense 480 000 salariés en souffrance psychologique liée au travail, dont 30 000 en burn-out, alors que l’Assurance maladie confirme 10 000 affections psychiques par an reconnues au titre d’accidents du travail. Le travail peut avoir un pouvoir de destruction élevé. Si tous les environnements professionnels ne sont pas aussi toxiques, beaucoup d’entreprises constatent toutefois que leur cadre de travail ne permet pas aux salariés de s’épanouir assez, et d’en faire profiter le développement des activités. D’où la définition de règles et de principes pour tenter de corriger le tir. Ce paradoxe cache plusieurs dysfonctionnements.
Qu’est-ce qui gâche le bien-être au travail ?
Le bien-être au travail est généralement associé à un environnement dans lequel les salariés ont un sentiment de satisfaction, d’épanouissement. La notion recoupe aussi une bonne ambiance de travail au sein des équipes où règnent respect et écoute. Dans un tel climat de travail, les salariés sont davantage reconnus, motivés et disposés à donner leur maximum.
Pourquoi de nombreuses entreprises échouent-elles à établir cet environnement ? La réponse vient le plus souvent d’un fonctionnement très hiérarchisé. Ce type d’organisation exclut tout équilibre dans les relations entre personnes et active des jeux de pouvoir qui biaisent les comportements. Ainsi, les prérogatives d’un supérieur hiérarchique en termes de prises de position, de décision, de ressources de pouvoir surpassent celles des « simples » salariés. Dès lors, il n’existe aucune égalité relationnelle et chacun doit tenir son rôle, exécuter selon la directive et la volonté d’autres personnes, sans empiéter sur le territoire professionnel de quelqu’un d’autre.
Dans un tel cadre, les aspirations des personnes et leurs initiatives pour bien faire leur travail se trouvent souvent contrariées, ce qui devient une source de souffrance. Souvent, le mal-être au travail s’installe et étouffe les élans pour exceller, improviser dans les situations inédites, contribuer encore plus à la performance globale de l’entreprise.
Les limites d’une politique de bien-être au travail
Le bien-être au travail est une notion globalement prisée. Aussi, dans de nombreuses entreprises, existe une réelle bonne volonté à l’instaurer. Certaines développent des politiques dédiées pour inciter les troupes à davantage d’écoute, de respect et à des comportements propices à une ambiance « positive ». Mais il semble difficile de les appliquer pleinement sur un socle régi par des règles sociales déséquilibrées.
En effet, dans une entreprise où certains édictent les règles et les objectifs, et d’autres doivent s’employer à y répondre, l’identité du supérieur hiérarchique est construite sur sa capacité à optimiser le travail des autres. Son affirmation identitaire peut passer par de l’intervention intempestive qui, poussée à l’extrême, aboutit à une « annexion » de l’autre mis sous directive et sous contrôle. En retour, ce comportement engendre des stratégies de la part de ses collaborateurs visant à contourner ou à exploiter cette relation de pouvoir. Il s’agit là de véritables stratégies de survie profondément ancrées dans l’entreprise, peu propices au bien-être. Elles n’ont aucune chance de disparaitre tant que chacun doit mener une lutte existentielle au travail. Les injonctions d’une politique de bien-être au travail peuvent peut-être les amoindrir, mais pas les supprimer.
Comment favoriser le bien-être au travail ?
La relation dominant/dominé s’avère incompatible avec le bien-être au travail. Pour que ce dernier éclose naturellement, il faut aller plus loin que des politiques dédiées en modifiant en profondeur le fonctionnement de l’entreprise selon des règles sociales différentes.
L’Entreprise Mature propose une démarche pour évoluer en ce sens, déconstruire les règles sociales de la hiérarchie et reconstruire une sociabilisation basée sur l’égalité relationnelle. Quand la hiérarchie s’atténue, les jeux de pouvoir et les déséquilibres sources de souffrance au travail en font autant. Libéré des mécanismes de la domination, chacun retrouve sa liberté d’être et sa puissance d’agir selon ce qu’il juge pertinent de faire dans son travail. La distorsion subie par les salariés quand ils agissent selon la volonté d’autrui laisse place à l’harmonie entre ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, à la puissance d’exister et à un sentiment de joie. Autant dire un authentique bien-être au travail.