Proposer aux équipes d’une entreprise de travailler de façon plus autonome, avec davantage de liberté, déclenche souvent cette première réaction : « ça ne marchera pas ». Ce qui est sûrement vrai, tant que les salariés n’ont pas appris à maîtriser leur liberté pour se réaliser dans le travail. L’Entreprise Mature considère que la liberté fait l’objet d’un véritable parcours pédagogique en plusieurs phases de désirs successifs, le long duquel les salariés doivent être accompagnés.
L’entreprise qui choisit de réorienter son fonctionnement vers davantage de liberté pour ses salariés doit tenir compte, de façon réaliste, des écueils dans ce changement. En effet, donner de la liberté crée des troubles. Pour les surmonter, la liberté et l’autonomie doit être bien comprises par tous – dirigeant, managers, collaborateurs. L’entreprise doit offrir à ses équipes un environnement propice pour apprendre à intégrer leur nouvelle liberté et anticiper différentes phases de calage.
La liberté passe d’abord par une zone de turbulence
Dans une entreprise jusque-là pyramidale, l’octroi d’une nouvelle liberté va d’abord laisser place à des comportements qui ne vont pas dans le sens de la marche de l’entreprise – arriver plus tard, se permettre un certain relâchement dans le travail, par exemple. Cette première phase n’est que temporaire.
Pour traverser cette étape et l’écourter, il faut en comprendre les raisons profondes. La position du salarié dans l’entreprise pyramidale peut être comparée à un culbuto que le poids managérial force à s’incliner dans le sens du désir d’un autre – autrement dit, l’oblige à suivre les directives de la gouvernance. Or chaque personne ne demande qu’à revenir à sa position naturelle, qui correspond à son désir propre. Quand la contrainte disparaît, le culbuto revient à sa position verticale et l’oscillation est d’autant plus importante que cette contrainte a été forte. Concrètement, quand les contraintes s’atténuent, le salarié a en premier lieu le désir d’éprouver sa liberté par des actes jusque-là contraires à ceux imposés par la directive et sous contrôle excessif.
Pour permettre à chacun de progresser vers une liberté plus mature, il faut établir un dialogue dans l’entreprise sur le constat de ces troubles, ce qui aide chacun à mieux conscientiser sa liberté et à réduire l’intensité des oscillations.
Progresser vers la puissance d’agir et la réalisation de soi
Un désir ne peut être abandonné que par un désir plus fort. Selon l’Entreprise Mature, Nul ne peut avoir autre désir volontairement que la réalisation de soi. Les salariés qui s’approprient leur nouvelle liberté s’acheminent vers ce désir ultime, une fois la phase d’oscillations passée.
Ce cheminement nécessite toutefois d’autres ajustements. Ainsi, la liberté peut devenir angoissante et s’accompagner d’un sentiment d’abandon, d’un manque de reconnaissance, alors que les règles et les interactions sont bousculées. Les salariés doivent trouver de nouveaux repères dans une organisation qui s’éloigne de la hiérarchie et permet à tous de s’exprimer et de prendre des initiatives. Ces nouveaux repères vont émerger de l’amélioration des rapports intersubjectifs dans un environnement qui s’émancipe de la directive. En effet, quand le salarié constate que ses avis sont pris en compte et son individualité respectée, il devient naturellement plus coopératif.
Dès lors, les jeux relationnels disparaissent progressivement, les relations deviennent plus authentiques et chacun peut prendre la liberté de s’affirmer et de marquer sa différenciation dans ses actes. La dynamique vertueuse vers la réalisation de soi peut alors accélérer : en constatant que les entraves à sa puissance d’exister disparaissent, l’individu voit un apport plus important de sa contribution et sa valorisation augmente. L’efficience du nouveau modèle devient concrète, ce qui motive à rechercher davantage une reconnaissance du monde et non plus celle des supérieurs. La liberté est alors pleinement incorporée.
L’accompagnement crucial du dirigeant
Le cheminement des salariés qui s’approprient leur liberté peut aboutir à la réalisation de soi à condition qu’ils comprennent les différentes étapes, pour ne pas s’arrêter au bord de la route. Le rôle du dirigeant dans la transformation est à cet égard essentiel.
Le dirigeant doit avoir lui-même travaillé à la compréhension systémique des relations au sein de l’entreprise qui incluent des jeux de pouvoir, relationnels, identitaires. Pour que l’Entreprise Mature prenne corps, cette connaissance lui permet de rester réaliste, d’anticiper les oscillations provoquées par la liberté et de donner à tous le temps d’évoluer et la possibilité de comprendre. Le dirigeant doit donc accompagner ses équipes sur un véritable parcours pédagogique pour qu’ils assimilent leur liberté dans l’entreprise.